Les lois de l’imitation, Gabriel TARDE

Les lois de l’imitation,

un livre de Gabriel TARDE,

Paru à Paris, aux éditions Félix Alacan,

en 1890.

Un livre essentiel, qui explique pourquoi, in fine, le bouc émissaire est inévitable

Les lois de l’imitation, de Gabriel Tarde, un ouvrage maintes fois réédité

Le livre dans sa version intégrale, sur le site uqac.ca : ici

Une étude sociologique qui mérite la plus grande attention

René Girard n’est pas tendre avec Gabriel Tarde, dans les « origines de la culture » :

C’est suite à un passage de Régis Debray dans le Feu Sacré, que René Girard revient sur l’œuvre de Gabriel Tarde :

« Dans son Feu sacré, Régis Debray me consacre quinze pages qui se voudraient féroces, mais sans accéder jamais à la notion de rivalité mimétique. Il me rattache à Tarde et à la tradition d’imitation anodine qui sévit depuis Aristote. J’y reviendrai en conclusion. »

Il fait un rapprochement avec les travaux de Richard Dawkins, théoricien de l’évolution :

« En ce sens, une hypothèse comme celle du gène égoïste de Richard Dawkins semble incapable d’expliquer les interactions sociales. En effet, elle recourt principalement à la théorie des jeux pour montrer que l’altruisme animal est possible – comme si les interactions sociales, et donc la culture, pouvaient se réduire à une explication purement économique. Afin d’étendre sa théorie à la sphère culturelle, il a dû alors inventer cette notion plus problématique encore du même, que nous avons déjà évoquée, unité culturelle minimale (qui semble d’ailleurs assez proche de l’idée qu’exprime Gabriel Tarde dans Les lois de l’imitation). »

L’œuvre de Gabriel Tarde ? : Un travail exemplaire mais banal :

« Tarde a effectué un travail exemplaire mais banal sur l’idée d’imitation. Il aborde l’imitation sur différents plans de conscience, et explique ainsi les relations culturelles à travers elle. Il a eu des intuitions remarquables mais toujours secondaires parce qu’il n’a pas découvert la rivalité mimétique et ses conséquences. Il a recueilli un ensemble d’observations curieuses, mais d’importance limitée, sans aboutir jamais à une théorie
satisfaisante. Il reste prisonnier de la définition traditionnelle, aristotélicienne, qui est amputée de sa violence rivalitaire. »

A la question : « Les lois de l’imitation de Tarde ont eu pour vous une grande importance », il répond :

« Absolument pas, puisque mon intuition essentielle, c’est la rivalité mimétique, dont Tarde n’a pas la moindre idée. J’ai découvert Tarde à Stanford, avec une anthologie de ses écrits en anglais 176. Même chose pour Durkheim ; j’ai lu Les formes élémentaires de la vie religieuse juste après avoir écrit La violence et le sacré. Durkheim est infiniment supérieur à Tarde et sa lecture fut, pour moi, une expérience merveilleuse.
Contrairement toutefois à ce qu’on pourrait croire, je n’ai pas été directement influencé par Durkheim. »

C’est parce que Régis Debray reproche à René Girard de ne pas citer l’inspiration que lui aurait fournie Gabriel Tarde, que Girard écrit :

« Comme j’aborde souvent le sujet de l’imitation sans citer personne, tout seul, comme un grand, Régis Debray se scandalise. Il me soupçonne d’ingratitude vis-à-vis du dernier théoricien de l’imitation vieillotte, auquel il croit que j’emprunte mes thèses, Gabriel Tarde.
Régis Debray ne voit pas ce qui, à mes yeux, retarde dans Gabriel Tarde et ses Lois de l’imitation, publiées en 1880. Quand je vois mon œuvre abaissée au rang de fille bâtarde de ce Tarde, la moutarde, je l’avoue, me monte au nez. Mieux vaut en rire qu’en pleurer. »

René Girard poursuit :

« À l’idée que j’exalte Cervantès, Dostoïevski et Proust au-dessus de Tarde, Régis Debray se cabre, il ne comprend pas qu’on puisse mépriser un théoricien pareil, jamais encore dépassé. »

En note de bas de page (173), on trouve, dans les origines de la culture, une biographie de Gabriel Tarde :

Gabriel Tarde (1843-1904), sociologue français, et l’un des représentants les plus importants de l’école psychologique de sociologie. Selon Tarde, les phénomènes sociaux prennent racine dans des processus psychologiques individuels. D’un côté, il y a la créativité ; de l’autre, on trouve l’imitation et la tradition. Son œuvre (ait référence dans l’étude du caractère imitatif des relations sociales. Il est l’auteur, entre autres, de
Criminalité comparée (1886), Les lois de l’imitation (1890), Études de psychobgie sociale (1898).

Sur un rapprochement des pensées de Gabriel Tarde, René Girard et Baruch Spinoza, nous vous conseillons :

« Désir et imitation » de Sébastien Charbonnier, un article paru dans Le Télémaque, volume 41, no. 1, 2012, pp. 9-18. (à lire ici)

On y trouve notamment, pour commencer :

« Pour explorer ce problème, je prendrai comme partenaires Spinoza, Gabriel Tarde et René Girard : trois grands penseurs du rapport entre désir et imitation. »

On y trouve également :

« Pour éclaircir le problème, distinguons l’“imitation”, au sens technique défini par Tarde, et le “mimétisme”, qui désignerait la reproduction à l’identique d’une attitude, selon le modèle de René Girard.

A partir de là, Sébastien Charbonnier déroule sa pensée :

a) Pour Tarde, l’imitation est un processus fondamental de la vie sociale ; savoir si elle est consciente ou non, volontaire ou non, spontanée ou réfléchie est secondaire :

Beaucoup plus important est de remarquer que l’imitation est moins ce qui se passe entre les individus que ce qui fait les individus. L’imitation fait circuler le désir “par” les individus. Le concept d’imitation défini par Tarde permet de penser la “transaction”.

b) Alors que l’imitation s’exprime à travers les flux qui passent entre les individus, le mimétisme exprime les individus selon des gestes-miroirs. Le mimétisme articule les désirs “des” individus, il est un interactionnisme. Mon désir provient du mimétisme du désir de l’autre : ce mécanisme repose sur une triangulation des substances désirantes (les individus) et suppose la représentation (consciente ou non) du désir. »

Il conclut son article :

Penser en termes d’individuel et de “comme-un”, dans l’entrelacs des désirs des uns et des autres s’imitant les uns les autres, permet de prendre en compte les individuations en train de se faire, plutôt que de partir d’individus déjà individués (…).